VIII
En découvrant son père sur le siège du chauffeur, Glenda s’arrêta, son visage déjà pâle devint livide. Puis elle fit le tour de la voiture et s’installa à côté de Paul.
— Que fais-tu ici, papa ? demanda-t-elle, les joues ruisselantes de larmes.
Eyre s’abstint de lui répondre qu’il avait d’abord songé à aller voir Roger mais que l’université de Busiris était trop loin et trop surveillée pour qu’il prenne ce risque. Quand il lui raconta tout ce qui lui était arrivé et lui résuma la lettre de Tincrowdor, Glenda parut stupéfaite.
— Je ne peux pas appeler Leo, la police a peut-être mis son téléphone sur table d’écoute, conclut-il. Va chez lui, demande-lui de se rendre à la cabine téléphonique située près de la bibliothèque municipale. Je l’appellerai d’une autre cabine.
— Je n’arrive pas à y croire ! dit Glenda. C’est tellement fantastique !
— Je ne suis pas fou, Leo te le confirmera. Le monde avait déjà plus de problèmes qu’il ne pouvait en résoudre, il en a à présent deux de plus auprès desquels les autres semblent tout simples. Premièrement l’être-soucoupe, deuxièmement moi. Je peux me livrer pour donner à l’humanité une chance de résoudre le problème que je lui pose mais comment empêcher la soucoupe de contaminer d’autres hommes ? Rien ni personne n’en est capable – excepté moi.
— Que veux-tu dire ?
Glenda se pencha vers son père, posa une main sur son bras mais il le retira aussitôt de crainte d’être contagieux.
— Il y a en moi quelque chose de la soucoupe. J’ai changé, je change encore, je deviens en partie un être-soucoupe. Sinon, comment expliquer la nostalgie que m’inspire cette cité verte que je vois en rêve ? Tu as devant toi un homme qui est encore et qui n’est plus ton père. Un être à demi humain. Ou peut-être n’étais-je qu’à demi humain auparavant et le suis-je maintenant davantage, je ne sais pas. Comme on dit, à voleur voleur et demi : je suis le seul qui puisse attraper la soucoupe parce que je suis en partie soucoupe. L’être-soucoupe lui-même m’évite, j’ignore pourquoi. Il y a tant de choses que j’ignore. En tout cas, je suis convaincu d’être le seul en mesure de le capturer. C’est la raison pour laquelle je ne me livrerai pas. Pour échapper à la police, j’ai besoin d’aide, c’est pourquoi je veux parler à Tincrowdor. Peut-être acceptera-t-il de venir à mon secours.
— Papa, dit soudain Glenda d’une voix étranglée, je suis malade !
Elle se blottit contre lui et, malgré le tissu de sa chemise, il sentit sur sa poitrine la chaleur de son visage. Il la releva, la fit asseoir aussi droite que possible sur le siège. Glenda laissa retomber sa tête en avant ; la bouche ouverte, elle respirait bruyamment, comme si elle avait eu un vieux moulin à vent dans la gorge.
— Je ne suis pas en colère contre toi, Glenda ! s’écria Paul. Mon Dieu, je t’aime !